La nuit du Nouvel An a été particulièrement violente à Strasbourg avec près de 300 véhicules incendiés dans différents quartiers de l'agglomération. Joint par téléphone, Cédric Haztenberger, pompier à la caserne ouest, nous raconte cette nuit à haut risque pour tous ses collègues.
Cédric Hatzenberger n'était pas de service cette fameuse nuit-là. La nuit de la Saint Sylvestre. Mais il a vu les visages défaits de ses collègues le lendemain. Il a entendu leurs souffrances lors du groupe de paroles. Ses collègues ont eu peur. Pas de périr dans les flammes non mais sous les coups et les jets de pierres. Et ça, c'est une grande première.
"J'ai vu mes collègues en pleurs"
Cédric est secrétaire général FO du SDIS 67. Il est surtout pompier depuis 20 ans à la caserne ouest de Strasbourg. Et en 20 ans, il n'avait jamais vu cela. Des collègues en pleurs, tremblants, prêts à raccrocher la lance et le casque. Séquelles d'une nuit de la Saint-Sylvestre particulièrement violente.Cette nuit s'annonçait déjà bien agitée : " Début décembre, nous avions noté une augmentation de ce type d'incivilités avec une grosse accélération la semaine dernière. Et déjà des caillassages et une centaine de voitures brûlées dans la nuit du 30 au 31. Nous savions que la Saint-Sylvestre allait être dure. Mais pas à ce point-là."
Certains se demandent à quoi bon risquer encore leur vie pour une société pareille.
- Cédric Hatzenberger, secrétaire général FO, SDIS 67
Bilan : près de 300 véhicules incendiés dans le Bas-Rhin. 220 rien qu'à Strasbourg. Autant d'interventions des hommes du feu. Des interventions risquées. " Il y avait déjà une certaine appréhension à se rendre dans ces quartiers mais là, certains pompiers sont carrément tombés dans des guets-apens." Le renfort des forces de police lors des interventions dans les quartiers sensibles n'y aura pas suffi : " Vu le nombre d'interventions que l'on a du faire, les forces de l'ordre ne pouvaient pas toujours suivre, c'est normal. Du coup, les collègues se sont souvent retrouvés seuls. C'est là que ça a mal tourné."
"Moi je ne travaillais pas cette nuit-là. Mais on m'a raconté. J'ai assisté au groupe de parole organisé vendredi et j'ai vu mes collègues totalement traumatisés, en pleurs. C'est la première fois que je voyais ça. Certains se demandent à quoi bon risquer encore leur vie pour une société pareille. C'est triste."
Deux guets-apens significatifs
Car lors de leurs nombreuses interventions, certains pompiers sont littéralement tombés dans des guets-apens. Deux exactement. A Cronenbourg. " Les pompiers se sont retrouvés devant un barrage fait de poubelles en feu, de Caddie ... une voiture les bloquait à l'arrière. Ils n'ont pas pu faire autrement que de foncer dans le barrage. C'est là qu'ils auraient renversé un enfant sur leur passage. Je dis aurait car pour l'heure ce n'est qu'une suspicion : une enquête est en cours. Des copains l'auraient ensuite amené à Hautepierre pour un traumatisme crânien."Ces images, tournées en amateur, témoignent des violences qu'ont essuyé les pompiers à Cronenbourg
Les choses se compliquent encore davantage ensuite. " Par représailles, ils se sont attaqués à un autre fourgon. Il a littéralement été pris pour cible à coups de barres de fer, de mortiers, de cailloux par une cinquantaine de jeunes. Le but était simple : extraire les pompiers de leur véhicule. S'ils avaient réussi, mes collègues se seraient fait lyncher. Tout simplement."
"On a franchi un cap, rien ne sera plus comme avant"
Résultat : deux blessés parmi les occupants du fourgon. Le conducteur et son chef. " Un caillou a atteint le conducteur qui a dû avoir des points de suture au visage. Le copilote souffre, lui, d'une commotion cérébrale." Sans compter le traumatisme qu'engendre pareille situation " Vous imaginez : cette nuit-là, il y avait de jeunes recrues qui ont à peine six mois d'expérience. Pour les plus aguerris, c'est déjà dur mais pour eux ... Y a de quoi dégoûter du métier. "
Rien ne sera plus pareil. C'est clair. " Certains se demandent déjà à quoi bon continuer. Nous, pompiers, nous sommes vulnérables. La police, elle, est armée. Elle peut être répressive, on la craint. Nous pas. Nous sommes un symbole de l'Etat avec nos gyrophares mais sans défense. C'est un manque de culture. Ils ne se rendent pas compte que si le lendemain, on doit venir sauver leur vie, on viendra."
Ils nous prennent pour cible alors que le lendemain, on peut être amenés à venir sauver leurs vies ...
- Cédric Hatzenberger, secrétaire général FO, SDIS 67
"On a franchi un cap. On a frôlé la catastrophe. Vue la violence dont nous avons été victimes cette année, on se demande bien comment va se dérouler la suite. C'est très inquiétant. "